Dossier
Accompagner les passe-âges
18 février 2013
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Entrée en maternelle, passage à l’élémentaire puis en 6ème : les transitions entre famille, écoles et collège sont autant de moments de rupture qui rythment le parcours des élèves. Encore faut-il savoir les accompagner. [Fenêtres sur cours] a ouvert le dossier.

Avec le projet de loi d’orientation et de programmation de l’école la question des pratiques de transition se pose avec une nouvelle acuité. Les passages de la famille à la maternelle, de la Grande section au CP, du CM2 à la 6e : la loi force à la réflexion, d’autant que ces périodes de rupture constituent de vrais enjeux pour les élèves. Deux chercheurs ont observé ce qui se joue en suivant des élèves du CM2 à la 6e. Ce qui marque les enfants est moins l’expérience scolaire que le sentiment de « devenir grand ». On ne joue pas aux mêmes jeux dans la cour de récréation à l’entrée au collège que ceux auxquels on jouait à l’élémentaire. Pour Benoit Dejaiffe et Stéphanie Rubi qui ont aussi travaillé sur le sujet cela relève d’une recomposition identitaire des élèves (lire l’article). Ces travaux font partie des rares recherches conduites en France sur le sujet. Les apports théoriques sont peu nombreux à moins de se tourner vers l’étranger où ces questions ont été davantage travaillées. C’est le cas au Québec où le ministère a publié un « guide pour soutenir une transition scolaire de qualité » (lire l’article). Ou encore en Suisse où la professeure de l’Université de Neuchâtel Tania Zittoun identifie « trois types de processus de changement. Ce sont les enjeux identitaires, ceux liés à l’apprentissage et ceux liés à la construction de sens ». Les ruptures sont nécessaires et même « assez normatives » souligne-t-elle (lire l’entretien). Encore faut-il le savoir et aussi savoir quoi faire avec ça. Ceci dit, la toile fourmille de ressources élaborées au niveau des circonscriptions, preuve d’une attention et du travail produit par les enseignants.

Faire circuler les principes éducatifs

Dans le texte qui lui est annexé, le projet de loi d’orientation et de programmation sur l’école préconise la scolarisation des moins de trois ans dans les zones d’éducation prioritaire. Il définit les modalités d’accueil avec un dispositif « spécifique et adapté ». Il spécifie la place des parents pour faciliter la liaison famille-école et prône un partenariat resserré avec les professionnels de la petite enfance. Sur le terrain des équipes ont depuis longtemps engagé des réflexions sur ce sujet. Ainsi, à Metz dans une école maternelle classée en ECLAIR, Éducation nationale et municipalité ont élaboré un dispositif passerelle avec accueil des parents et des enfants en juin au moment des inscriptions, puis accueil progressif à la rentrée dans des locaux séparés des autres classes. Les enseignants soulignent l’impact qualitatif de cette mise en œuvre, tout en avouant qu’il s’agit « d’une organisation complexe, qui nécessite un pilotage rigoureux » (lire l’article). La chercheure en sciences de l’éducation Françoise Carraud souligne cette complexité. D’un côté les enseignants dont «  la priorité est l’instruction », de l’autre les familles qui donnent parfois l’impression d‘attendre un service non seulement d’éducation, « mais aussi de garderie ». Elle souligne la « nécessité de circulation des principes éducatifs » passant le plus souvent « par la circulation d’objets (doudous, jouets…) ou par des questionnements sur le corps » (lire l’entretien). Le projet de loi redéfinit également la place de la Grande Section et son articulation avec le passage à l’élémentaire. Les cycles doivent être relancés et la GS venir entièrement dans le giron du premier d’entre eux quand précédemment elle constituait l’entrée dans le Cycle 2. La transition école-collège doit aussi faire l’objet d’un dispositif d’accompagnement avec la création d’un conseil chargé de définir des modalités de coopération pour favoriser la continuité pédagogique lors du passage du CM2 à la 6e (lire l’article).

Tirer les leçons du passé

Pour autant là aussi les pratiques ont bien souvent pris les devants. L’accueil des enfants de CM2 au collège durant une journée est loin d’être chose rare et c’est déjà un début de coopération entre équipes du premier et du second degré. La présence de maîtres référents dans les réseaux ECLAIR est elle aussi de nature à renforcer la connaissance réciproque des deux degrés. Des pratiques que les dispositions de la loi d’orientation devraient permettre de développer à condition que l’institution donne les moyens aux enseignants de les mettre plus largement en œuvre (lire l’article). En effet, si la liaison est un enjeu pour les élèves elle l’est aussi pour les enseignants. Travailler sur les transitions implique d’ouvrir l’école à d’autres partenaires. Les parents, les services municipaux, les enseignants du second degré… autant de coopérations nécessaires pour la mise en place de dispositifs pertinents. Plus facile à dire qu’à faire. Les initiatives existantes méritent d’être valorisées, tandis que les enseignants ont besoin d’être formés à ces pratiques et d’être accompagnés. Par exemple, la liaison maternelle-CP que le texte traite avec la révision des cycles, a fait l’objet d’une étude de l’IGEN en 2011. Elle pointe une « anticipation des étapes du parcours avec une exposition des enfants à des exigences qui les dépassent par trop » (lire l’article). C’est ce qu’on a appelé aussi la « primarisation de la maternelle », autrement dit on anticipe sur la dernière année de maternelle des pratiques et des apprentissages qui sont à venir dans le cursus en première année d’élémentaire. Si le dispositif avait été pensé avec les meilleures intentions, ce n’est qu’a posteriori qu’on a pu en mesurer certains effets indésirables. À l’instar de la GS, un risque similaire guette en fin d’élémentaire, celui de faire du CM2 un « petit collège ». Alors si aujourd’hui la question des liaisons est à l’ordre du jour, encore faut-il se prémunir des erreurs du passé en regardant de près ce qui va se dérouler dans les écoles.

Tout le dossier :

- La fin des jeux
- Un guide de la transition école-collège
- « Un cadre et des ressources pour oser changer »
- Une passerelle sécurisante
- « Des partenaires pour la maternelle »
- Les transitions dans la loi
- Des expériences multiformes
- GS : une erreur d’aiguillage ?