« Sortir de l'isolement et reconstruire une vraie mutualisation du travail. »

Mis à jour le 16.07.17

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3 questions à Frédéric Grimaud, enseignant spécialisé, docteur en sciences de l'éducation

Les enseignants citent souvent l'inclusion comme difficulté professionnelle principale. Comment l'expliquer ?

La loi de 2005 a accéléré un mouvement international qui exige une école plus inclusive. En France, cette évolution s'est mise en place dans un contexte tendu lié au manque de moyens et à la normalisation croissante de l'école. D'où des injonctions paradoxales pour les enseignants, renforçant les difficultés à exercer leur métier. Dans mes recherches*, j'ai mis en évidence les micro-décisions que doivent prendre les PE.
Par exemple, lorsque l'on corrige une production d'écrit d'un élève fortement dyspraxique : Comment on s'y prend ? Qui nous dit ce qu'il faut faire et comment le faire ? La prescription se résume à déclamer des grands principes. Du côté de la formation, on reste prisonnier de l'énumération de « bon gestes » ou « bonnes pratiques » conçus en dehors du milieu de travail et donc mal adaptés à la réalité de chaque situation.

Comment caractériser les difficultés ?

L'école inclusive repose sur deux grands « principes » : la compensation et l'accessibilité. La compensation, c'est ce que l'on peut mettre en place pour « compenser » le handicap de l'élève, prescrit par la Maison du handicap : prises en charges, matériel adapté, dispositifs...
L'accessibilité consiste à rendre l'école plus « accueillante ». Et ça, c'est à la charge des enseignants dans les conditions que l'on connait : suppression des RASED, effectifs, formation continue... Si rendre accessible l'école est un défi à relever, il n'en demeure pas moins que c'est à chaque enseignant de le relever, seul dans sa classe, avec des difficultés de métier : travailler avec une AVS, organiser l'espace pour accueillir une élève en fauteuil roulant, gérer un groupe classe très perturbé par un élève porteur de troubles du comportement...

Comment faire face ?

On constate que malgré tout les enseignants font face. Ils font appel à leur créativité, à leur intelligence et passent leur temps à « bricoler » des solutions pour tenir dans des situations parfois très dégradées. Ils détournent les outils mis à leur disposition, ils rusent avec la prescription, ils bidouillent en permanence. Ce qui devrait nous inquiéter, c'est que ces « bricolages » ne leur permettent pas de s'épanouir mais au contraire les rendent « malades ».
Le métier n'a pas l'histoire et la culture nécessaire pour être une ressource suffisante sur le sujet. Il faut redonner du temps et de l'espace formels aux enseignants pour reconstituer des collectifs permettant de sortir de l'isolement et de reconstruire une vraie mutualisation du travail.

*La scolarisation d'un élève en situation de handicap du point de vue de l'activité du professeur des écoles de classes ordinaires


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